Quelques
reflexions sur le rôle des allemands dans l´Europe
Par
Dr.
Götz-Sebastian Hök, avocat
* * *
L´Allemagne, située au centre de
l´Europe, est –dans l´esprit de ses voisins- grande, riche et très peuplée
et depuis l´année 1990 encore plus grande et plus peuplée mais peut-être un
peu moin riche qu'auparavant. Longtemps, l´Allemagne a fait peur à ses
voisins. Ces dernières décennies l´Allemagne a cependant joué un rôle plutôt
modeste. L´ancien chancelier Kohl et l´ancien chancelier Schmidt ont
recherché la collaboration et l'entente avec la France et le Bénélux. La
France et l`Allemagne, j´ôse le dire, étaient les constructeurs de la
Communauté Européenne. Depuis l´année dernière dans l´esprit des Francais et
des Belges et d´autres de nos voisins la situation a changé. Le Chancelier
Schröder cherche plutôt le rapprochement avec l´Angleterre. La question qui
doit nous préoccuper est de savoir s'il s'agit d'un changement essentiel ou
seulement d'un changement conjoncturel.
Il faut quand-même savoir qu´en
Allemagne même, beaucoups de choses ont changé depuis le trois octobre 1990.
La réunification de l´Allemagne a peut-être amené des changements bien plus
importants que ce que l´ancien chancelier Kohl n'a pu se l'imaginer. Les
Allemands de l´est n´étaient certainement pas satisfaits ou contents de
vivre sous le gouvernement d´Honecker et sous le joug du Parti Socialiste de
l´Allemagne de l´est, qui existe encore sous le nom PDS (partie démocratique
socialiste). Dans un certain sens ils semblent avoir appris un style de vie
qui se distingue largement du mode de vie de l'Allemagne de l´ouest. Les
différences étaient, bien que la langue était la même et que les traditions
culturelles furent toujours identiques, peut-être plus grandes que les
différences qui peuvent exister entre les sociétés de l´Allemagne de l´ouest
et de la France ou de la Belgique.
La RDA était un Etat socialiste, qui
a eu pour objectif de préparer l´avènement de la société communiste. Au
début elle était aussi différente que possible de cette société. La
contrainte y était plus rigoureuse que jamais, car il fallait se prémunir
contre les attaques des ennemis du régime et il fallait d´autre part
soummetre les citoyens à une stricte discipline en vue de créer les
conditions qui rendraient possible l´avènement du communisme. La RDA, en
attendant qu´elle puisse disparaître, a développé ses attributions et
interventions et elle était un Etat plus fort que jamais. Mais de l´autre
côté la sécurité sociale personnelle en Allemagne de l´est était sur un
certain niveau beaucoup plus importante qu´en Europe de l´ouest. Personne ne
craignait le chômage. Le système de l´éducation donnait en même beaucoup de
liberté aux femmes et une éducation uniforme et stricte aux enfants. D´après
Mme Limbach, qui est la présidente de la Cour Constitutionelle allemande,
une tradition démocratique ne pouvait pourtant pas se développer dans ce
contexte. Pourtant, il faut constater aujourd'hui qu´une partie des
Allemands de l´est n´est pas satisfaite de son sort. C'est d'ailleurs
aisément observable: Lors des élections européennees presque trente pour
cents des Allemands de l´est ont voté pour l´ancien parti socialiste. C´est
le moment de se demander pourquoi? Quelques experts expliquent ce
mécontentement par la mauvaise situation énonomique de l´Allemagne de l´est.
D´autres pensent, que les Allemands de l´est n´ont pas encore compris et
intégré le système démocratique. Je pense qu´il est encore trop tôt pour
donner une réponse définitive. Mais il nous reste encore du travail à faire
pour intégrer ces mécontents dans la famille européenne.
La politique allemande reste
d´ailleurs toujours une politique européenne. La plupart des allemands à
l´est et l´ouest ont compris que l´Union Européenne est une nécessité
irrévocable. Dans un certain sens l´Union Européenne est un fait naturel,
presque un droit fondamental si nous pensons aux libertés essentielles
définies dans les traités de Rome et de Maastricht. Mais les règles du jeu
ont changé. D´une part il faut intégrer une Allemagne aggrandie et d´autre
part il faut intégrer la Polongne, la Tchèquie et la Hongrie. Dans ce sens
l´Allemagne a une grande responsabilité envers ses voisins à l´ouest. D´une
part c´est une responsabilité historique et d´autre part c´est une tâche
essentielle. La situation géographique de l´Allemagne au centre de l´Europe
a toujours fait naître des problèmes tant que l´Allemagne n´a pas respecté
les intérêts de ses voisins. En même temps la situation géographique nous a
donné toujours pas mal d´avantages sur le plan économique et culturel.
Du fait que le processus
d´harmonisation économique, juridique et politique est déjà très avancé, la
vie économique et politique est largement influencée de l´Union Européenne.
Presque 80 % du droit économique a ses sources dans le droit européen. En
pratique la Cour Européenne de justice, se basant sur une interprétation
globale de l´ordre juridique communautaire, a établi la théorie de
l´applicabilité directe du droit communautaire. Celle-ci concerne les
dispositions des traités et l´ensemble du droit dérivé, y compris les
directives et les accords auxquels les Communautés sont parties prenantes.
L´applicabilité directe signifie que le droit communautaire est applicable
sans incorporation ou transformation en droit interne et qu´il peut être
invoqué directement devant les tribunaux nationaux, à l´appui d´une
prétention individuelle.
Mais hélas, cela ne se remarque pas
toujours. Ce qui est encore pire, c´est que dans la vie pratique le droit
européen est souvent inconnu ou méconnu. Beaucoup des juges allemands et
malheureusement aussi des avocats allemands n´appliquent le droit européen
que comme une source de droit exotique. Ils opèrent une distinction entre le
droit national, le droit étranger et le droit européen. Mais il n´y pas de
différence entre le droit national et le droit européen. Le droit européen
est devenu une partie intégrale du droit national. Le droit des
consommateurs, la liberté d´établissement, la libre circulation des capitaux
et le droit de la concurrence sont largement harmonisé. Le droit harmonisé
n´a pas de différence dans les différents Etats membres de la Communautè. On
doit l´appliquer de manière équivalente devant le Tribunal de Grande
Instance de Berlin, le Tribunal de Grande Instance de Paris et à Bruxelles.
Malheureusement ces tribunaux ont toujours leur propre droit de procédure,
leur propre droit international privé et leur propre manière de travailler.
Les droits du for nationaux (p.ex. en France et en Allemagne) prévoient
normalement qu´aux yeux des juges du for le droit étranger, est du fait et
non du droit.
Tant que le droit étranger est
applicable, le juge allemand peut cependant se procurer une expertise, car
il n'est pas supposé connaître le contenu du droit étranger. Il est
cependant obligé de faire des recherches sur le droit étranger (cf. BGHZ 77,
p. 32). La manière dont il le fait est laissée à son appréciation. Les
parties dans le cadre de leur obligation de participer activement à la bonne
marche de la procédure sont impliquées dans cette recherche juridique. Or,
ils n´ont pas à apporter la preuve du droit étranger (cf. BGH NJW 1961, p.
410). Quand on ne peut avoir de certitude sur le contenu du droit étranger
auquel on fait appel selon une norme de conflit, la question de la procédure
à suivre, ou bien quand celle-ci demanderait des efforts disproportionnés
est une retard sensible de la procédure, la procédure à suivre est alors une
question qui est débattue. En principe l'application des normes matérielles
du droit national se révèle être la meilleure solution du point de vue
pratique quand la recherche du droit étranger est impossible ou incertaine.
La doctrine majoritaire en Allemagne est d'avis que maintenant comme par le
passé, la lex fori pourrait s'affirmer comme un droit de remplacement dans
tous les cas où il est difficile d'obtenir des informations sur le droit
étranger applicable. Elle recommande d'effectuer des recherches, le cas
échéant, sur le contenu du droit auquel on fait appel, selon le principe du
rapprochement maximal (größtmöglichen Annäherung). Ainsi par exemple sont
concrétisés le droit luxembourgeois à l'aide de jugements belges ou encore
le droit monegasque à l'aide de la jurisprudence francaise (cf. OLG Hamburg
IPRspr. 1984 Nr. 24; BGH IPRspr. 1981 Nr. 2).
En pratique on respecte la loi
étrangère puisqu´elle émane d´un Etat mais l´existence d´une loi étrangère
d´un contenu déterminé est un fait. Lorsque l´on dit que le juge doit
appliquer la loi étrangère désigné par la règle de conflit, il faut entendre
le droit étranger dans sa totalité, solutions coutumières et
jurispridentielles comprises. Mais malheureusement au niveau du droit
européen il manque encore une harmonisation du droit de procédure et surtout
de la manière de travailler. Ceci pose pas mal de problèmes. Il faut donc
constater qu´il n´existe pas encore une jurisprudence harmonisée. Certes, il
existe la Cour Européenne de Justice. Mais la Cour Européenne n´a pas de
compétence universelle et jusqu´à maintenant elle n´a surtout pas de
compétence en ce qui concerne la harmonisation du droit de procédure. Cela
nous donne encore des tas de problèmes à resoudre, surtout parce que les
juges nationaux interprètent le droit européen comme leur droit national ou
bien comme un droit étranger.
Dans mon esprit cette petite
excursion dans le droit européen et le droit inetrnational peut nous montrer
que l´harmonisation du droit ne suffit pas et ne suffira pas afin d´intégrer
les nations dans une Europe Unie. Il faut toujours harmoniser la facon de
vivre, de penser et de travailler sans perdre la diversité des cultures qui
reste une source importante pour notre développement économique et social.
De toute facon l´Union Européenne
donne à chacun de nous les possibilités de nous organiser dans une Europe
sans frontières et de paix. Mais il n´y pas de doute que l´intégration
européenne n´est pas seulement un travail des spécialistes et des
gouvernements. L´intégration européenne est une tâche de chacun
personnellement. Il faut faire attention aux droit communautaire et il faut
l´invoquer devant les administrations de chaque Etat membre et les tribunaux
nationaux. Ca vaut la peine parce que le droit communautaire l´emporte sur
toute dispositions nationale. Le principe de primauté implique, pour les
autorités nationales, prohibition de plein droit d´appliquer une mesure
incompatible avec le traité. Il entraîne aussi l´obligation, pour celles-ci,
d´interpréter tout le droit national en conformité avec le droit
communautaire et, le cas échéant, de réparer les conséquences dommageables
de son non-respect. L´arrêt Francovich a constitué le principe de la
responsabilité des Etat membres de réparer les dommages causés aux
particuliers par les violations du droit communautaire. Il appartient à la
juridiction nationals d´assurer, dans le cadre du droit national de la
responsabilité, le droit des citoyens de chacun Etat membre à obtenir
réparation des dommages qui leur auraient été causés du fait de la
non-respect du droit communautaire.
On peut donc résumer que le rôle de
l´Allemagne dans l´Europe va peut-être changer un peu parce que le nouveau
gouvernement allemand a de nouvelles idées et l´intégration des allemands de
l´est reste une grande tâche économique et sociale. Mais ce rôle
n´appartient pas uniquement au seul gouvernement allemand mais bien aux
Allemands eux-mêmes, qui me semblent pour l´instant de ne pas encore avoir
bien compris que l´Union Européenne est devenu, malgré certains
inconvénients, un système pratique, démocratique et de droit. La politique
interne a encore beaucoup plus de valeur que la politique européenne bien
que dans notre vie quotidienne le droit européen et la politique européenne
nous influence beaucoup, peut-être beaucoup plus que le citoyen moyen ne
l'imagine.